Pour comprendre "Bone tomahawk", il faut survivre à "Bone tomahawk".
Car le film de Craig Zahler dure non seulement démesurément longtemps, soit deux heures et douze minutes, mais il est aussi terriblement ennuyeux. Loin d'égaler dans le registre du western "différent" des œuvres comme "Vorace", "Les disparues" ou même "Dead man", Il s'agit ici de subir durant plus de quatre-vingt quinze minutes la longue marche de quatre hommes dans une région aride de l'Amérique. A l'origine, ils doivent retrouver un prisonnier, un adjoint du shérif ainsi que l'épouse du docteur d'une petite ville, tous trois capturés par une sorte de tribu troglodyte réfugiée dans les grottes de l'arrière-pays. Le shérif, son premier adjoint, le docteur désemparé et un quatrième couteau toujours très propre sur lui et surtout très sûr de lui joué par Matthew Fox, prennent donc la route à dos de cheval pour retrouver les kidnappés et se faisant éliminer les kidnappeurs.
Et c'est parti pour près d'une centaine de minutes de vide...si le quatuor composé en plus du héros de "Lost" par Kurt Russell, Patrick Wilson et l'excellent Richard Jenkins reste appréciable grâce au talent des comédiens, il faut aussi supporter des dialogues pas très intéressants, un rythme vraiment très lent, ce qui n'est pas forcément un défaut de prime abord. Mais l'ennui gagne bien vite du terrain car il ne se passe quasiment rien durant ces première et seconde parties.
Nos héros se toisent gentiment, sont parfois dérangés par des inopportuns le temps de deux coups de feu et s’appesantissent sur la cheville brisée qui les ralentit dans leur tentative de sauvetage.
Le film se montre lui-même assez particulier (ce n'est hélas pas une qualité) dans sa construction car rien n'est vraiment fait pour accrocher un minimum l'envie de découverte du spectateur. La notion de suspense est clairement absente. Les enjeux sont exposés sans fards ni excès, le réalisateur ne cherchant pas forcément la grandiloquence ou le sensationnalisme. Malheureusement, le procédé rend l'aventure assez vaine. Car il n'y a jamais d'emphase salvatrice dans "Bone tomahawk".
Ainsi, la menace des méchants troglodytes n'est pas vraiment inquiétante. A moins donc que ce ne soit voulu, Craig Zahler s'avère bien incapable d'appuyer son récit avec le souffle nécessaire, surtout dans le cadre de ce qui reste avant-tout un western car l'aspect horrifique est franchement très faible.
Le film se montre aussi trop théâtral, notamment dans la première demi-heure située dans une petite ville qui sonne faux. L'impression qui s'en dégage est celle d'une série B étriquée filmée sans aucune espèce de recherche visuelle. Peu de figurants, des décors mornes, des plans fixes qui parfois s'éternisent. On ne demandait à aucun moment à Craig Zahler l'hystérie du montage d'une production Michael Bay mais à ce stade de renoncement, son long-métrage fait penser à une toute petite production sans la moindre envergure, ne se reposant donc que sur son casting puisque son histoire elle-même n'a pas grand intérêt. Filmé avec une caméra numérique, la Red dragon, "Bone tomahawk" fait penser à un téléfilm pas spécialement soigné, fonctionnel et d'une grande platitude visuelle en plus d'une lumière pas très belle.
Et le film s'étire, s'étire...jusqu'à un certain agacement qui ne sera pas fondamentalement balayé par la dernière demi-heure qui se remue trois ou quatre minutes avant de retomber dans l'inanité la plus totale. Là encore, Zahler rate sa chance de se remonter les manches et de provoquer un peu de frissons. C'est d'autant plus dommage que les personnages, longtemps mis en place et plutôt bien caractérisés, sont sincèrement attachants. Mais comme le film ne parvient jamais à les mettre réellement en avant, leur sort finit par peu nous importer.
Au final, "Bone tomahawk" est un bel échec. Il faudrait manquer de demi-mesure pour le qualifier de nul, et ce n'est pas le cas. Mais avec une telle équipe d'acteurs, un sujet initialement intéressant et une volonté de mélanger les genres potentiellement méritante, en arriver à pareil résultat provoquer franchement une certaine peine ainsi qu'une gêne pour les talents impliqués dans le projet. On rêvait à une incursion en territoire inconnu, on se retrouve dans une promenade à cheval au milieu du néant. Dommage !