TWIN PEAKS – 1991
(Twin Peaks – Fire Walk With Me)Réalisé par
David LynchÉcrit par
Robert Engels & David LynchMusique d’
Angelo BadalamentiAvec
Sheryl Lee, Ray Wise, Moira Kelly, Kyle MacLachlan, Pamela Gidley, Phoebe Augustine Inspiré de la série
Twin Peaks (créée par
David Lynch et
Mark Frost),
Fire Walk With Me reprend l’intrigue centrale de la version TV – à savoir la découverte du cadavre de Teresa Banks – pour la coller au plus près de l’univers fantaisiste de
David Lynch. Proche d’un
Eraserhead,
Twin Peaks permet au cinéaste de renouer avec ses débuts de carrière, du temps où ses productions artistiques et ses fantasmes emplissaient l’écran. S’apparentant aussi bien à une pièce de théâtre burlesque qu’à un cirque cauchemardesque ou un jeu de rôle – les décors naturels canadiens rappelant irrémédiablement le premier jeu vidéo
X-Files –, l’œuvre de
Lynch immerge le spectateur dans un monde onirique duquel il ne ressortira pas indemne. Un monde peuplé d’entités fantasmagoriques (l’enfant au masque de plâtre, le prophète manchot sorti de nulle part, la femme en rouge, le cheval blanc…) et d’êtres humains immoraux ou pervers – friand de débauche, d’inceste, de drogue dure, d’alcool, ou s’adonnant à des meurtres d’une froideur légendaire (dont un coup de feu tiré en pleine tête, et des coups de gourdin portés à la nuque de la victime).
Avant tout,
Twin Peaks est l’occasion pour
David Lynch de nous faire part de ses talents. Plans composites d’une grande beauté, traitement de l’espace prodigieux, prises de vue subjectives parfaitement dosées, terrifiants jeux de perspectives ou d’ombre et de lumière (en particulier la « visite » du tableau), contraste splendide entre couleurs vives (relatives aux plaisirs de la chair) et couleurs ternes (relatives à la mort) ; tous contribuent à installer une atmosphère électrique et hystérique, saisissant l’audience aux tripes. Et
Lynch n’hésite pas à enfreindre les règles de l’art pour imposer son style – comme cette séquence où les dialogues sont mis au second plan, relayés par des sous-titres et une musique rock assourdissante. En ce qui concerne la musique du film justement, jamais
Angelo Badalamenti n’aura signé de score plus magistral, alternant avec maestria rythmiques oppressantes et chœurs envoûtants. De même,
Twin Peaks peut se targuer de bénéficier d’une panoplie d’acteurs sincères, naturels, et foutrement convaincants. Mentions spéciales à
Sheryl Lee – dont le charme et le jeu viennent vous frapper en plein cœur –, à
Ray Wise – terrible en père de famille frappadingue –, et à
Kyle MacLachlan – délaissant ses performances minables habituelles pour une prestation sobre et incroyablement juste. De surcroît, le film se voit parcouru de guests hauts en couleur :
David Bowie, Harry Dean Stanton, Jürgen Prochnow, Kiefer Sutherland, Miguel Ferrer et même
David Lynch (en agent très « spécial » du FBI).
Le métrage a beau pointer quelques imperfections (une seconde partie plus lente, un final magnifique mais sans logique avérée), il n’en reste pas moins l’une des œuvres les plus personnelles et les plus abouties du sieur
David Lynch. Plus qu’un mélange de genres – où se croisent horreur, science-fiction, thriller, drame et comédie –,
Twin Peaks constitue une expérience cinématographique typiquement lynchienne à ne surtout pas rater.
Réalisation : 4/5
Histoire : 3.5/5
Musique : 4.5/5
Acteurs : 4.5/5Note : 16.5/20