On attendait beaucoup de ce conte gothique du créateur du "Labyrinthe de Pan".
Aujourd'hui, le résultat est enfin là, sous nos yeux, et, bien que la sincérité de la démarche ne fasse aucun doute, force est de reconnaître qu'en réalité presque rien ne fonctionne dans ce "Crimson peak", film-somme de toutes les productions gothiques vues jusqu'alors, hommage à l'âge d'or de la Hammer, et recyclant ses contemporains (que ce soit le Burton de "Tweeney Todd" ou le Coppola de "Dracula", pour ne citer qu'eux...). On remarque même des analogies évidentes avec le Rebecca de Daphne du Maurier. On n'aura certes pas trop de mal à trouver moins prestigieuses références mais pour l'originalité, on repassera !
Le film a la bonne idée de mêler l'Histoire (cela prend pour cadre la Révolution industrielle) à la fiction, mais, très vite, on sent que quelque chose ne va pas ; le début de style "victorien" (tout ce qui se passe avant le manoir), intéressant, joliment filmé, se trouve amoindrit par le jeu exagérément maniéré et théatral de la plupart des personnages.
Dés lors que l'on se trouve au chateau, l'ensemble est plombé par des facilités narratives étonnantes qui laissent pantois (l'arrivée
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de l'amoureux transit au moment opportun, pour ne citer que celle-ci)
, et des incohérences scénaristiques (d'étranges élipses , des coïncidences bienheureuses...). L'histoire, prévisible de bout en bout (certains aspects de l'histoire, en tout cas), est une accumulation de clichés inhérents au genre, les dialogues sont d'une pauvreté affligeante, et Jessica Chastain (pourtant d'ordinaire talentueuse) mériterait le Razzie de la pire actrice de l'année.
Impossible dés lors de partager les états d'âmes de personnages-pantins perdus dans les méandres d'une histoire dont la finalité s'avère fort décevante, ou d'éprouver quelque empathie que ce soit pour eux , à l'exception peut-être du personnage d'Edith, interprété assez justement et très sobrement par Mia Wasikowska, la seule qui ne soit pas dans la confidence, et à qui l'on parvient à certains moments à s'identifier...
Impossible non plus de se sentir impliqué dans cette romance...
L'émotion ne passe décidemment pas, ou que très rarement, dans "Crimson Peak"...
Il y a par contre un véritable travail d'orfèvre apporté sur l'impressionnant décorum. Car oui, il y a quand même ça à sauver dans CP...mais on en savait le réalisateur du "Labyrinthe de Pan" capable depuis longtemps... Encore que cette réussite soit à relativiser, puisque l'imposant travail entrepris sur les décors est contrecarré par une totale sous-exploitation de ceux-ci (on voit toujours les mêmes pièces du manoir, sous les mêmes angles...Jamais un manoir aussi grand de l'extérieur... n'aura semblé aussi petit de l'intérieur !).
Cette élégante esthétique est aussi gâchée par des représentations spectrales en CGI du plus mauvais effet, et qui jurent avec le travail "en dur" fait sur les décors et l'imagerie gothique, et, d'une façon plus générale, sur une réal qui se veut "à l'ancienne".
Reste également une très belle photographie, et de -bien trop rares- moments inquiétants où le réalisateur parvient à insuffler une véritable ambiance qui transporte malgré tout, et l'espace de quelques secondes, le spectateur. Des moments que l'on aurait aimé plus nombreux, à l'image de cette violence sèche qui surgit sur l'écran lors de fugaces instants.
Bien peu de choses en définitive.