House of whipcords/Flagellations (1974, Peter Walker)
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crazy babysitter Repose en paix
Nombre de messages : 914 Age : 43 Date d'inscription : 29/09/2011
Sujet: House of whipcords/Flagellations (1974, Peter Walker) Jeu 5 Mar - 9:31
1974. Tandis qu'au Texas, la famille Sawyer mangeait du hippie, une autre famille toute aussi dérangée martyrisait des jeunes filles dans une bourgade perdue au Nord de Londres. Mis en scène par la cinéaste britannique indépendant Pete Walker qui à mon sens était un réalisateur très doué pour générer une ambiance oppressante et malsaine avec des œuvres méconnues mais difficilement oubliables telles que "Le retour" et surtout "Frightmare", "Flagellations" est de ces belles surprises cinématographiques, de ces films différents que l'on découvre avec stupeur et intérêt. Même s'il n'est pas exempt de défaut, il s'agit ici d'un spectacle d'exploitation qui a quelque chose à dire, qui manie l'ironie avec une belle délectation et qui réserve son lot de frissons et de surprises. Un film qui parait même étonnant dans sa construction compte-tenu de l'époque à laquelle il fut conçu. Un film d'exploitation ,certes, mais en aucun cas un nanar que l'on regarde comme une petite pochade horrifique.
"This film is dedicated to those who are disturbed by today's lax moral codes and who eagerly await the return of corporal and capital punishment."
C'est par cette introduction en lettres gothiques sur fond d'une campagne nocturne sous une pluie battante éclairée par l'orage que débute de le film. On y voit une jeune fille très peu vêtue courir à perdre haleine, comme si elle voulait fuir quelqu'un. Elle trouve refuge dans la cabine du camion d'un routier endormi qui finit par lui porter secours tout en constatant sur son corps de profondes blessures. Puis vient le générique d'ouverture qui présente les différentes pièces et couloirs de la lugubre battisse dans laquelle se déroulera la majeure partie du film de Pete Walker. Nous faisons ensuite la connaissance ,à l'occasion d'une soirée arrosée mondaine comme les bobos londoniens des années soixante-dix savaient en organiser, de Anne-Marie De Verney, une modèle française vivant dans la capitale anglaise avec son amie Julia. Jeune, jolie, décomplexée, Anne-Marie s'amourache du beau Mark Desade qui l'emmène en weekend. Un weekend qui tournera au cauchemar... car Mark est le fils de Madame Wakehurst, l'ancienne directrice d'une prison de femmes congédiée suite à la mort d'une prisonnière et qui s'est retranchée dans une ancienne prison située en pleine campagne, rachetée par son mari, le juge Bailey.
Ces deux désaxés, aidés par la gardienne en chef Walker, une sadique de la pire espèce, et l'intendante Bates, continuent de pratiquer une justice expéditive en envoyant leur rejeton draguer des jeunes femmes soupçonnées d'actes immoraux qu'il ramène à la maison afin qu'elles soient jugées et condamnées. Ensuite, elles pourrissent dans des cachots insalubres, obligées d'apprendre la bible par cœur tout en évitant les sanctions. La première les enverrait un moment en isolement avec les rats, la seconde servirait de prétexte à Miss Walker pour fouetter avec force et brutalité les resquilleuses et la dernière sanction équivaut à une mort par pendaison. Les filles doivent donc se tenir à carreaux si elles veulent avoir une chance de s'en sortir, bien qu'aucune prisonnière ne se soit jusqu'à présent échappée. Mais Anne-Marie ne compte pas se laisser faire.
Autant remettre tout de suite les choses dans l'ordre, "Flagellations" n'est en aucun cas un film sur les punitions physiques exécutées avec un fouet, contrairement à ce que le banc-titre introductif, l'affiche et le titre français le laissent entendre. Il ne s'agit que d'une pure exploitation conçue dans le seul et unique but d'attirer les spectateurs un peu pervers car le film de Walker s'avère nettement plus complexe que cela et s'inscrit ainsi dans la tradition-même du Grindhouse, qui ne proposait pas que des œuvres sans contenu, mais qui devaient souvent apparaitre comme beaucoup spectaculaires qu'elles ne pourraient l'être véritablement.
Ce qui est le cas de "House of whipcord" qui ne contient que deux séquences dans lesquelles des corps nus sont fouettés. Et encore ! La première est en off et la seconde à contre-champs, ne révélant que le visage se tordant de douleur de Anne-Marie, et non les lanières de cuir meurtrissant ses chairs. Rien à voir avec la crudité de "La passion du Christ" par exemple et bien au contraire car chez Pete Walker, la religion, sans être montrée du doigt d'une manière anticléricale bête et primaire, est présentée sous des atours bien peu recommandables même si ce n'est pas du tout le cœur du sujet du film car , à l'exception de l'obligation des prisonnières de lire la bible et de l'inscription "The world of Christ" au-dessus du tribunal où siège Bailey, il n'y est finalement que rarement fait allusion et la famille de juges, jurys et bourreaux ne claironnent pas le nom de Dieu à chaque instant. Plus que la religion, c'est définitivement l'ordre moral qui les pousse à commettre leurs méfaits.
Dans "Flagellations", c'est donc plus volontiers la justice que le fanatisme que Pete Walker tient à dénoncer. Ici, il insiste sur l’âpreté de l'appareil judiciaire britannique de l'époque (un an plus tard Gerry et Giuseppe Conlon, Paul Hill, Paddy Armstrong et Carole Richardson seront condamnés à de lourdes peines pour attentat alors qu'ils étaient innocents) et son aveuglement à la sanction. Il appuie son point de vue par le fait que le juge Bailey soit justement non-voyant et délivre une sentence qui l'est tout autant, tandis que Madame Wakurst, sorte de Maggie Thatcher avant l'heure, ne jure que par la condamnation et trompe son mari handicapé qui ne sait pas tout ce qui se trame dans sa maison de redressement. Folle à lier, incestueuse et volontairement enlaidie par la caméra, Madame Wakehurst est un personnage révoltant qui truque les jugements et que l'on soupçonne de forniquer avec son propre fils bien qu'aucune scène ne soit explicite, renvoyant ainsi et la justice et la religion à leurs propres travers. Persuadée de faire le bien en éradiquant la société de celles qu'elle considère comme des petites garces perverses, cette supposée incarnation du bien ne délivre que le mal.
A l’opposé, Anne-Marie De Verney n'est finalement que l'oie blanche dont Wakehurst pense n'être qu'une apparence. Ce n'est qu'une jeune fille sans histoires, bien dans son temps et qui va subir le courroux de ces rédempteurs d'un autre âge. On retrouve ainsi dans l’Angleterre des seventies le même état d'esprit que dans le Fin-fond du Texas de "Massacre à la tronçonneuse", le jeune mannequin français (un pays de pervertis, d'après la directrice de la prison) incarnant un pendant européen de Sally Hardesty, alors que la sacrosainte représentation de la famille vole en éclat et les rôles sont ainsi inversés, puisque même le routier à l'apparence rustre du début du film est un homme plein de compassion et de gentillesse, le contraire de ce qu'il laissait présager.
Ce qui d'autant passionnant dans "Flagellations", c'est que le film, autant dans sa structure narrative que dans son contexte, est à la fois très ancré dans son époque (il sortira dix ans plus tard en France, soit en Janvier 1984 et dans le secteur de la pornographie, alors que le film en est totalement exempt) mais demeure néanmoins parfaitement contemporain. L'utilisation du flash-back que l'on découvre vers la seconde partie choque et étonne car rien ne nous a préparés à cela, Walker brouillant habilement les pistes. Aussi, le film ne se termine pas de la façon dont on voudrait ou dont on penserait qu'il se termine, laissant un terrible arrière-gout d’amertume en dépit d'un happy-end qui ne l'est pas tant que ça. La mise en scène est souvent géniale, car en dépit de faibles moyens, Pete Walker sait ce qu'il doit ou ne pas montrer et joue autant sur l'image que sur le montage, certains plans évoquant le malaise sans avoir à le visualiser (un peu comme chez Hooper, que de points communs !) et les dialogues sont très bien écrits.
Penny Irving, la jeune Anne-Marie du film, est une bonne comédienne et réussit à rendre très attachante cette jeune femme fraiche et effectivement innocente qui se retrouve accusée des pires maux et acculée à la folie. Un rôle difficile dont elle se sort très bien. A ces côtés, Barbara Markham incarne une terrifiante Madame Wakehurst qui pense pouvoir contenir sa folie, qui pense même ne pas être folle et qui s'accroche au passé comme seule bouée de sauvetage, une bouée en plomb qui l'entraine encore plus vers les abimes de la démence.
Ce serait mentir que de dire que "House of whipcord" est un film parfait. Si l'histoire est formidable, il est évident que Pete Walker ne peut renoncer à orienter son cinéma vers l'exploitation (la matonne lesbienne par exemple n'est pas forcément du meilleur gout). Mais la crudité s'avère ici bien plus morale que visuelle et nous n'assisterons pas à un déluge de violences ni d'érotisme sordide. Une bien belle surprise que ce "Flagellations" qui démontre encore une fois la vitalité du cinéma de genre de britannique depuis toujours et dont le propos et la complexité dépassent le simple cadre du divertissement. Un film différent et fondamentalement intéressant, qui pourrait gagner ses galons de petit classique s'il sortait des ornières imposées par sa condition de spectacle à frissons.
Bob Boyle Administrateur
Nombre de messages : 12033 Age : 32 Localisation : Montréal Date d'inscription : 16/02/2007
Sujet: Re: House of whipcords/Flagellations (1974, Peter Walker) Jeu 5 Mar - 10:19
crazy babysitter a écrit:
1974. Tandis qu'au Texas, la famille Sawyer mangeait du hippie, une autre famille toute aussi dérangée martyrisait des jeunes filles dans une bourgade perdue [...]
Eux et l'inoubliable Ezra Cobb!
Je n'ai toujours pas visionné House of Whipcord, je te remercie d'avoir stimulé mon intérêt à son égard.
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House of whipcords/Flagellations (1974, Peter Walker)