Faux-Semblants
(Dead Ringers) – 1988Réalisé par
David CronenbergÉcrit par
David Cronenberg & Norman SniderD’après le roman de
Bari Wood & Jack Geasland (
Twins)
Musique d’
Howard ShoreAvec
Jeremy Irons, Geneviève Bujold, Heidi von Pallesque, Barbara Gordon, Shirley Douglas, Stephen Lack Loin de ses œuvres précédentes, gore et malsaines (
La Mouche n’a été réalisé que 2 ans plus tôt), c’est visiblement à partir de 1988 que la carrière de
David Cronenberg prend un nouveau visage. Si les thèmes abordés restent fidèles à l’auteur (transformation des êtres, rapports organiques à autrui), ce dernier semble délaisser le monde de l’horreur pour s’adonner au thriller psychologique. Et, bien qu’étant fan de ses travaux antérieurs, l’on ne saurait lui reprocher un tel revirement.
Faux-Semblants se révèle être un thriller tendu, admirablement développé, et brillant. Pour résumer grossièrement cette entreprise, les jumeaux Mantle, deux éminents chirurgiens spécialisés en gynécologie, ont toujours vécu au chevet l’un de l’autre. Jusqu’à ce qu’une tierce personne, l’actrice renommée Claire Niveau, ne s’immisce dans ce duo pour y semer le chaos, à ses dépends. Jouant à merveille avec les apparences et les quiproquos,
Faux-Semblants permet une solide réflexion quant aux liens unissant deux êtres identiques, partageant les mêmes passions, les mêmes projets, les mêmes lieux, les mêmes loisirs, la même vie. Est-ce que la chute de l’un doit entraîner la chute de l’autre, comme emporté par un cordon ombilical non rompu ? Refusant la différence, lequel des deux devra imiter l’autre pour conserver ce statu quo ? Peut-on véritablement être soi-même lorsque l’on vit au travers d’autrui ? Tout autant d’interrogations, à la complexité subtile, que pose ce
Faux-Semblants, et auxquelles
David Cronenberg répond de manière catégorique et froide.
En dépit d’un développement un brin longuet (un bon ¼ d’heure en moins aurait été judicieux),
Faux-Semblants nous immerge dans ce flot de confusion, de doute, tiraillant les deux protagonistes, que les relations troubles, presque incestueuses, et le surmenage professionnel conduisent directement à l’enfer des drogues et à la psychose. Au passage,
David Cronenberg en profite pour renouer avec la médecine clinique, nous introduisant sans ambages dans le monde de la chirurgie et de la gynécologie – introduction rendant certaines séquences particulièrement insoutenables, même suggérées. D’autre part,
Faux-Semblants jouit d’une mise en scène sidérante – calculée avec une infime précision pour ne pas trahir la supercherie – et doublée d’une performance d’acteurs implacable. Autant les comédiens secondaires caressent une prestation des plus honorables, autant
Jeremy Irons pulvérise l’écran dans ce double rôle emmenant l’audience à la lisière de la schizophrénie. Même si la technique semble parfois débordée pour maintenir l’illusion (des doublures un peu trop flagrantes au moment où les jumeaux sont censés être réunis),
Jeremy Irons réussit à donner vie, sans surenchère ni artifice, à deux êtres identiques et pourtant si différents. Comme de coutume, on ne sait trop quoi penser de l’accompagnement musical d’
Howard Shore. Ce thème principal lancinant, répétitif et pesant, peut aussi bien lasser que maintenir la tension.
Faux-Semblants n’est pas parfait mais il serait stupide de passer à côté d’un thriller aussi prenant et bien écrit.
David Cronenberg prend une nouvelle direction et nous le suivons sans avoir à y réfléchir à 2 fois.
Réalisation : 3.5/5
Histoire : 4/5
Acteurs : 4.5/5
Musique : 3.5/5Note : 15.5/20