Après quelques années difficiles passées à réaliser des épisodes plus ou moins réussis de série télévisées tout autant aléatoires, John Landis revient au grand écran douze ans après son dernier film pour le cinéma, le méconnu et sous-estimé
"Susan a un plan", tragi-comédie sur fond de polar au casting de qualité passant avec une certaine aisance du rire à la tension puis aux larmes et dans lequel Kastassia Kinsi était formidable.
Je suis admiratrice du travail de Landis aussi attendais-je avec impatience que le réalisateur de tant de classiques nous propose un film digne de son immense talent. quand "Burke and Hare" fut mis en chantier, ma joie et mon attente furent mises à épreuve d'autant plus que le casting du film, composé de noms aussi illustres que Simon Pegg, Andy Serkis,Jessica Hynes , Tom Wilkinson, David Hayman, Tim Curry et Isla Fisher me laissaient esperer quelques espoirs sur le potentiel retour gagnant d'un metteur en scène qui, à l'instar de la plupart des collègues avec lesquels ils a souvent été associés, avait perdu de sa superbe au fil des années. John Landis allait-il se reconvertir malgré lui en faiseur de séries B sans génie ni talent juste pour payer ses impôts ? Suspense !
Reprenant l'histoire de Brendan Burke et William Hare, deux immigrants irlandais cherchant à survivre dans le Édimbourg du dix-neuvième siècle, le film s'oriente directement vers le ton de la comédie noire , thème assez chère à Landis puisqu'il avait déjà mis en scène dans ce style de narration humoristique d'un sujet grave
"Le loup-garou de Londres" ou
"Série noire pour une nuit blanche".
"Burke and Hare" s'éloigne donc presque immédiatement de ses ainés
"L'impasse aux violences" et
"Le docteur et les assassins", chef-d'œuvre visuel et lyrique du grand chef-opérateur Freddie Francis même s'il entretient l'aspect visuel terriblement sale et lugubre d'une ville pas encore passée à l'ère pré-industrielle (nous sommes en 1828) où la violence et la mort semble s'imprégner du moindre recoin de ruelle.
Nous suivrons donc ces deux ignares adeptes de petites combines sans succès ni lendemain devenant du jour au lendemain des fournisseurs de cadavres plus ou moins frais auprès du docteur Knox, brillant médecin désireux de produire une cartographie du corps humain mais dont les travaux sont occultés par ceux du docteur Monro qui officie quant à lui à la prestigieuse faculté de médecine.
Plus ou moins scrupuleux, les deux complices finiront par pourvoyer aux demandes de plus pressantes de Knox en assassinant de brave gens sans défense afin de continuer à lui fournir des corps en bon état. Tandis que l'épouse de Hare entre dans la combine, Burke s'amourache d'une prostituée apprentie comédienne dont il souhaite produire la pièce de théâtre.
Ce qui frappe au terme de la vision du film, c'est qu'il ne perd jamais le rythme rapide mis en place par Landis dés le début du long-métrage, l'action ne faiblissant jamais et les dialogues ciselés (mais pas toujours évident à comprendre à la première écoute car l'accent écossais est à couper au couteau^^ !) font mouche, chaque personnage a toujours quelque chose à dire et les comédiens débitent leur texte avec une vélocité revigorante. Tout le monde est ici à sa place. Tom Wilkinson en médecin hautain et dandy qui se prendrait presque aujourd'hui pour une rock star, Isla Fisher en (mauvaise) actrice aguicheuse et à priori vénale, David Hayman en chef mafieux avant l'heure qui cache derrière son sourire avenant une cruauté rare, Jessica Hynes hilarante en matrone alcoolique menant son époux à la baguette (hilarante scène où elle déguste une tourte au gruau inondée de bière !) et surtout Simon Pegg, dont le personnage de Burke semble de prime abord n'être que le jouet d'un Hare qui décide de tout alors que le pauvre Burke ne veut que trouver l'amour. Pegg l'incarne avec beaucoup d'humour et de bonhommie vraiment touchante et ses rapports avec Ginny (Isla Fisher) sont nettement plus tendres que burlesques. Enfin, Andy Sirkis interprète un faussement suave William Hare qui s'avère finalement n'être qu'un parfait crétin. Le duo composé par les deux comédiens fonctionnent parfaitement car leur dynamisme et leur complicité évidente envahit l'écran de la première à la dernière seconde de
"Burke and Hare".
Fidèle à ses habitudes, John Landis caviarde son film d'apparitions en forme de clins d'œil de Ray Harryhausen, Christopher Lee, Stephen Merchant, Jenny Agutter (qu'il avait dirigée dans
"Le loup-garou de Londres") ou encore Bill Bailey qui officie en tant que narrateur s'adressant directement au public, comme si Landis, faisant fi de la véracité des faits, avait choisi comme approche de mise en scène de s'adresser directement au spectateur, le rendant complice des actes et forfaits de son couple meurtrier.
Sa réalisation, impeccable, ne se perd jamais dans des tours de force visuels mais demeure toujours solide et efficace, contenant même de temps à autres quelques vrais moments de folie inventive comme lors de l'échappée d'un tonneau contenant un corps que Hare et Burke ont maladroitement laissé s'échapper. La reconstitution des rues d'Édimbourg en 1828 est magnifique et très crue, Landis ayant conservé le sens du détail qui l'a toujours caractérisé. Sur une heure et trente et une minutes que dure le film, l'ennui n'a pas de mise et cela fait plaisir de voir un metteur en scène toujours sur les rails, loin des dernières séries B sous tranquillisants de ses collègues Romero ou Argento. Il y a une indéniable touche John Landis dans
"Burke and Hare" et l'on sent le plaisir communicatif qu'il a eu à tourner le film et à le proposer à ses fans. Mon seul regret reste que George Folsey Jr , grand complice du réalisateur, n'ait pas participé au montage. Enfin, John Landis termine son film sur le morceau
"I'm gonna be" des Proclaimers qui est l'une de mes chansons favorites, je le prendrais presque comme un cadeau qu'il m'aurait faite personnellement
!
"Cadavres à la pelle" ne fait pas partie du haut du panier de la filmographie de son metteur en scène mais n'a pas à rougir et constitue un spectacle qui, sans atteindre la perfection, fait souvent rire et permet de se rassurer quant aux capacités de John Landis à exercer son métier. C'est souvent drôle, finement écrit, les comédiens s'amusent beaucoup et je ne m'y suis absolument pas ennuyée. Sans égaler le niveau d'un
"Loup-garou de Londres" ou des
"Trois amigos", il s'agit cependant d'une très bonne comédie qui en plus ne sonne pas comme un chant du cygne mais plutôt comme la relance d'une carrière cinématographique riche de films formidables qui devrait permettre à John Landis de briller de nouveau au sein d'un petit monde du cinéma qui oublie parfois un peu trop vite ceux qui ont participé à son avancée.
Inutile donc de déterrer le cadavre de John Landis, il n'était pas encore mort !